DARWIN
Loin au nord du continent australien, les premiers habitants de la région étaient les aborigènes Larrakia. Mais là où l’histoire de Darwin diffère de celle du reste de l’Australie, c’est que les premiers étrangers à poser pied sur ces terres n’étaient pas les européens mais les indonésiens ! Venus du Sulawesi, les pêcheurs indonésiens menaient leurs pirogues jusque dans les eaux australiennes en quête du précieux trepang, ou concombre de mer. Une spécialité culinaire très recherchée par les asiatiques, qui lui prêtent des propriétés aphrodisiaques ! Dès lors, des relations commerciales basées sur le troc s’établissent entre aborigènes et indonésiens, ces derniers offrant tissu, tabac, riz, alcool et couteaux en échange de main d’œuvre et du droit d’exploitation des eaux. Bien que cette relation ne soit pas toujours heureuse, du fait de l’introduction de nouvelles maladies ou de rafles pratiquées sur les femmes locales, elle demeure majoritairement pacifique et se pérennise.
Les premiers européens à naviguer les eaux de la région sont quant à eux en provenance directe des Pays-Bas, et aujourd’hui encore il reste trace de leur passage dans les drôles de noms donnés à certains lieux : notamment Groote Eylandt, qui loin d’être un obscure borborygme signifie simplement « grande île » en néerlandais ! Il faudra toutefois attendre de nombreuses années supplémentaires avant que l’intérêt européen pour la région ne se développe, avec l’arrivée des colons britanniques. En 1839, le lieutenant John Lort Stokes est le premier anglais à prendre connaissance de ces terres. Son navire ? Le célèbre HMS Beagle qui, lors de son précédent voyage, avait pour passager le naturaliste Charles Darwin ! De 1831 à 1836, Stokes et Darwin avaient sillonné les océans en passant par l’Amérique du Sud, les Galápagos, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, un impressionnant parcours qui permit au jeune scientifique d’écrire son fameux livre, L’origine des espèces, et ainsi poser les fondements de la théorie de l’évolution. Darwin lui-même n’aura touché terre australienne qu’à Sydney et Hobart, mais le capitaine Stokes nommera le port de la future capitale du Territoire du Nord en son souvenir.
Pourtant, c’est sous un autre nom que Darwin débute son existence de colonie : il faudra attendre 1869 pour que George Goyder, envoyé par le South Australia, établisse ici un premier village. Il le baptise Palmerston, en l’honneur du premier ministre britannique de l’époque. Dans les années qui suivent, la construction de l’Overland Telegraph Lineà travers l’outback achève de relier Palmerston à Adelaide en termes de communications. Les travaux révèlent également une découverte de première importance : des dépôts d’or alluvial à Pine Creek, environ 200 km au sud de Palmerston ! La ruée qui s’ensuit accélérera le développement de la ville, et un chemin de fer sera établi entre Palmerston et Pine Creek. En 1911, la cité jusque lors gouvernée par le South Australia transfère son allégeance au Commonwealth, et opte alors pour changer de nom : comme son port, elle s’appelle dorénavant Darwin. Le nom de Palmerston ne disparaitra toutefois pas totalement, et sert maintenant de patronyme à une cité satellite de la capitale, centre secondaire de son agglomération.
L’avènement du 20ème siècle ne sera pas tant synonyme de progrès pour Darwin que de catastrophes : en 1942, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, la cité est bombardée par les japonais. A ce jour, il s’agit encore de l’événement militaire le plus important qui s’est jamais déroulé sur le sol australien, causant plus de 200 morts et dévastant la ville. Darwin restera la proie de dizaines de raids aériens pendant plus d’un an. Mais le pire est à venir : en 1974, ce sont cette fois les éléments qui se déchaînent contre la capitale. Le cyclone Tracy, sans doute l’intempérie la plus légendaire du pays, frappe le jour de Noël et détruit les trois quarts de la ville. Le cyclone fait une soixantaine de morts, et sur les 43.000 habitants de la ville, plus de 30.000 sont évacués d’urgence des ruines. Indomptés par la fatalité, les australiens décident très vite de reconstruire, et dès 1978 la ville achève sa renaissance en atteignant à nouveau le même nombre de résidents qu’avant le cyclone… quand bien même son apparence a bien changé !
Le climat tropical dans lequel baigne Darwin fait son plus grand attrait autant que son principal défaut. Ici, l’année n’est pas divisée en 4 saisons comme dans les zones tempérées dont nous avons l’habitude. A la place, une seule distinction : saison sèche, le Dry, et saison humide, le Wet. Les températures sont chaudes toute l’année, et ne descendent jamais en dessous de 10° - même la nuit, même en « hiver » ! La saison sèche est la période la plus favorable aux activités touristiques : de mai à septembre, les précipitations sont faibles et les températures oscillant entre 20° et 30° sont idéales. En octobre, la chaleur monte d’un cran et les averses deviennent plus fréquentes. La saison humide s’étend de novembre à avril, une période de mousson durant laquelle des pluies diluviennes inondent la région et coupent régulièrement la circulation. Ajoutez à cela une chaleur intense et extrêmement humide et le risque de cyclone, et vous comprendrez que durant le Wet, seuls les autochtones sont assez fous pour rester à Darwin ! Mais le Wet est aussi synonyme de renouveau pour l’écosystème local : rivières et cascades sont rechargées, étanchant la soif d’une végétation quasi déshydratée, et la saison des amours bat alors son plein dans le royaume animal. Une période d’abondance qui permettra d’affronter celle de relative disette du reste de l’année.
Le passé tragique et le climat intense de Darwin ne semblent pourtant pas parvenir à affecter le climat de la ville et les états d’âme de ses habitants, et il règne une ambiance de détente caractéristique des tropiques – un monde où la nature passe la 5ème tandis que les humains semblent vivre au ralenti ! Les français venus des DOM-TOM ne seront pas dépaysés, contrairement à leurs compatriotes métropolitains. Attention toutefois : l’Australie, réputée pour ses multiples dangers liés à la faune, justifie de faire acte de prudence ici plus que partout ailleurs. Si la baignade demeure un loisir populaire à Darwin, chaleur, ciel et eaux bleus oblige, elle est néanmoins fortement déconseillée lors de la saison humide, qui coïncide avec l’apparition de méduses mortelles. Tout au long de l’année, il faudra également se cantonner aux plages sûres et fréquentées, comme la célèbre Mindil Beach, de peur qu’une étendue de sable plus isolée ne serve de refuge aux crocodiles de mer qui habitent les côtes tropicales du continent. Il existe heureusement d’autres alternatives pour se baigner en toute sécurité toute l’année, notamment le lac Alexander de la réserve d’East Point, la piscine du parc de Leanyer ou encore le lagon artificiel de Wharf Precinct. S’étendant sur 4000 m² et capable de générer des vagues pour les amateurs de boogie board ou de chahutage, le lagon fait partie de l’un des projets les plus ambitieux de la capitale : l’aménagement de son front de mer, à deux pas du centre-ville, destiné à devenir un centre de loisirs et de plaisance, port d’attache de luxueux bateaux de croisière. Autre attraction du Wharf Precinct, l’Indo-Pacific Marine Exhibition rassemble une collection d’aquariums accueillant des espèces de poissons et de coraux représentatives de l’écosystème marin de la région. Une façon simple et accessible d’observer les espèces, communes ou rares, qui hantent les océans locaux. Visibles de jour comme de nuit, lorsque certaines créatures illustrent le fascinant phénomène de fluorescence, les aquariums sont des écosystèmes autonomes.
Loin de l’atmosphère onirique et poétique des récifs coralliens, le plein centre-ville de Darwin offre quant à lui une expérience spectaculaire de l’animal le plus emblématique du nord tropical : le crocodile marin. Crocosaurus Cove, le parc animalier entièrement dédié au reptile aquatique, propose non seulement d’observer les crocodiles dans leurs aquariums, mais aussi d’assister à leurs repas ou d’embarquer à bord d’une cage de verre qui sera alors immergée dans l’un des bassins pour un face à face sans risque. Après cette touche de sensationnalisme, il suffit d’aller flâner dans les nombreuses galeries d’art aborigène, et de prendre l’air dans le Bicentennial Park ou au cœur des jardins botaniques pour se détendre. Là poussent de nombreux arbres tropicaux : des palmiers aux baobabs en passant par les palétuviers des mangroves, le dépaysement est garanti. Mais la quintessence de la décontraction darwinienne se vit avant tout au crépuscule. Tout d’abord, en allant explorer les Mindil Beach Sunset Markets qui se tiennent tout au long de la saison sèche. Situés dans un cadre de rêve, au bord de la plage et sous les cocotiers, les marchés mélangent influences indo-asiatiques et australiennes, et les didjeridoos, peintures aborigènes et produits en cuir de crocodile y côtoient les étals des cuisiniers malaysiens, sri lankais ou thaïlandais, le tout accompagné de musique live. De l’autre côté de la ville, à la pointe sud de l’esplanade, le Deck Chair Cinema est l’autre institution nocturne de Darwin : 250 transats et une centaine de chaises face à un grand écran de plein air où la projection débute sur fond de ciel en feu et s’achève sous les étoiles. Cinéma indépendant, le Deck Chair projette aussi bien des films d’art et d’essai que des blockbusters à la mode, et tous les spectateurs sont libres d’amener leur pique-nique.
Une autre manifestation typique de Darwin est la Beer Can Regatta, qui a lieu chaque année en juillet. Vous pensiez que les habitants d’Alice Springs méritaient la palme de la loufoquerie avec leur régate sur lit de rivière asséchée ? Les résidents de Darwin, qui ne manquent pas plus d’air que d’eau, rivalisent avec cette journée toute aussi étrange où despetites embarcations entièrement construites de canettes de bière et de soda ou de cartons de lait sont jetées à la mer à Mindil Beach. Organisée par le Lions Club local, la régate fait aussi office de levée de fonds pour des projets caritatifs venant en aide aux handicapés. Plus classique, le Darwin Festival s’étale sur deux semaines au cours desquels se donnent de multiples concerts, spectacles de danse et de comédie, séances de théâtre et expositions de photographies, de peintures et d’artisanat, le tout avec une dominante locale favorisant les artistes aborigènes, indonésiens ou en provenance des îles Tiwi voisines. L’aspect culturel de Darwin se découvre aussi tout au long de l’année dans les salles du Museum and Art Gallery of the Northern Territory (MAGNT). Parmi ses expositions permanentes, des collections d’art aborigène mais aussi d’œuvres en provenance de Malaisie et du Timor, et des exhibitions naturalistes sur la géologie, le climat, la faune et la flore du Territoire du Nord. La touche « only in Darwin » provient quant à elle de la salle dédiée au passage du cyclone Tracy, et bien sûr de Sweetheart, cet énorme crocodile empaillé qui trône maintenant fièrement au musée.
Une visite de Darwin ne serait pas complète sans s’éloigner de la cité pour explorer ses formidables alentours : à proximité, croisière fluviales sur l’Adelaide River et ses invraisemblable crocodiles sauteurs, termitières géantes et les piscines naturelles au pied des cascades dans le parc national de Litchfield, et bien sûr l’incontournable parc national de Kakadu et ses vastes marécages riches en faune… autant de destinations qui achèveront de séduire le visiteur amateur de nature exotique, à l’autre bout du monde.